Engagement au travail :
épidémie de flemme
ou de grande impatience ?

Engagement au travail : épidémie de flemme ou grande impatience

L’innovation RH au secours de l’engagement des collaborateurs

Est-ce que nous travaillons trop ? Tel est LA question posée par Samuel Durand, explorateur du Future of Work, dans le troisième et dernier volet de sa trilogie de documentaires dédiée au monde du travail : « Time to work ».

A l’heure où la France recule l’âge de départ à la retraite et s’interroge – comme partout ailleurs – sur les nouvelles organisations du travail, ainsi que la fameuse harmonie entre vie professionnelle et vie personnelle, Samuel Durand a, comme à son habitude, parcouru le globe pour recueillir des témoignages d’entreprises qui osent un nouveau regard sur le travail.

Passage à la semaine de 32 heures, mise en place du rythme asynchrone ou du nomadisme digital, autogestion dans les missions… Quoi qu’on en pense, ces structures participent à bousculer les codes. Et les objectifs sont clairs : favoriser l’engagement des collaborateurs, améliorer la productivité, et in fine, booster les performances des organisations.

De quoi inspirer nombre d’entreprises qui cherchent à relever les défis liés au modèle hybride, à l’épidémie de flemme, au quiet quitting, à la Grande démission ou encore au quick quitting, ce phénomène qui consiste à quitter son poste au bout d’un an.

Dans ce contexte, on peut s’interroger sur ce qu’attendent concrètement les collaborateurs. Car oui, il est devenu vital d’étudier de près les leviers d’engagement des salariés. Cela n’a échappé à personne, le rapport de force tend à s’inverser. Les collaborateurs papillonnent. Les entreprises serrent les dents.

Les (nouvelles) attentes des collaborateurs à l’ère post-Covid

Enquête après enquête, les collaborateurs semblent donc désirer du sens dans leurs actions quotidiennes, une rémunération plus attractive, davantage de temps pour eux-mêmes et leur famille… Selon une étude mondiale menée post-pandémie, 69 % des salariés déclarent avoir des attentes accrues quant à la manière dont leur entreprise les soutient et 63 % repensent les qualités qu’ils recherchent chez un employeur.

L’entreprise est sommée de montrer patte blanche. On assiste donc à une « grande renégociation », explique Sarah El Haïry, Secrétaire d’Etat chargée de la Jeunesse et du Service National Universel (SNU), dans « La grande interview ». Et d’avancer que se pose désormais « la question de l’engagement de l’entreprise auprès de ses salariés ».

Que faut-il alors mettre en place aujourd’hui pour attirer les talents ? Rappelons que tous secteurs confondus, 88 % des organisations peinent à recruter, selon l’ANDRH. Que faire pour donner envie aux collaborateurs de rester ? Et surtout, comment relancer une motivation en berne ? Un nouveau rapport au temps de travail est-il inévitable ? L’amélioration de la qualité de vie au travail (QVT) est-elle la clé ? Doit-on adopter l’ultra-flexibilité ?

Attraction et rétention des talents : les RH en action

Pour Laura Gueguen, DRH de la société de conseil en transformation digitale Expertime, qui projette de recruter 60 personnes en 2023, il s’agit de s’interroger non pas sur la qualité de vie au travail (QVT), mais plutôt sur « la qualité et le sens du travail ». « A partir du moment où l’on crée les conditions optimales pour pouvoir travailler dans de bonnes conditions et avoir le sentiment d'être utile et d'accomplir des missions qui ont du sens pour soi, on gagne en qualité, fluidité, performance, engagement et en bien-être », assure-t-elle.

« Cela passe notamment par la digitalisation des processus métier pour améliorer la fluidité et l’accessibilité à l’information. » Pour elle, il convient également de faciliter le quotidien des collaborateurs au-delà des murs de l’entreprise : « De la même manière que nous [les] accompagnons sur le développement des compétences, nous investissons aussi sur la partie ‘Care’ via la startup Ma bonne fée, avec un accompagnement dans leur vie personnelle, que ce soit à des étapes positives (parentalité par exemple…) ou à des moments de fragilité (burn out, divorce, proche aidant…). »

L’engagement de l’entreprise passe aussi par sa capacité à porter des sujets de société… Et à le faire savoir. Lorsque le cabinet Deloitte indique que la parité représente un axe majeur de son plan stratégique, l’entreprise illustre sa prise de position en devenant partenaire de l’équipe de football PSG Féminines.

« Soutenir une équipe féminine de haut niveau, c’est vouloir montrer des parcours de femmes qui s’émancipent, s’accomplissent et qui incarnent notre volonté d’ouverture et de progrès en matière de parité », a déclaré David Dupont-Noël, Directeur général adjoint. Cette association permet ainsi à Deloitte, qui embauche jusqu’à 2 000 nouvelles recrues par an, de faire rayonner sa marque employeur et d’encourager les candidatures de talents féminins.

Autre signal fort : la participation croissante des entreprises à la cérémonie Best Workplaces, organisée par Great Place To Work France (GPTW). 489 organisations se sont inscrites pour l'édition 2023, contre 338 un an plus tôt. Et de noter que les entreprises prennent très au sérieux cette labellisation, adoptant une démarche d'amélioration continue. La moyenne du "trust index", à savoir l'indicateur de référence GPTW, a augmenté de 4 points en l'espace d'un an.

Lien, proximité et confiance, les leviers de l’engagement 2.0

Vit-on une crise de la confiance et de l’engagement en entreprise ? Nous assistons en réalité à une mutation, selon Pascale Giet, Directrice de la communication de Transdev et auteure de « La grande impatience », aux éditions Hermann (en librairie dès le 26 avril). En introduction de son ouvrage, elle explique : « Plutôt que de lire dans les soubresauts de l’actualité une crise de l’engagement, il est plus fructueux d’y voir une grande impatience : une envie de contribuer à la construction d’un monde désirable, un appel à en finir avec les logiques du moins-disant, de l’effondrement, du déclin, un désir de participer à la création d’un environnement dans lequel il est possible de progresser ensemble. »

Quant à la confiance, elle souligne que même si l’entreprise n’a pas vocation à se substituer aux États et instances de régulations, elle demeure « un acteur majeur de la société, ayant un impact réel sur la marche du monde, il lui appartient […] d’être moteur du changement, lorsqu’elle le peut. » Et d’ajouter : « En se positionnant clairement comme un acteur de la cité, avec les devoirs qui sont y afférents, l’entreprise participe à la restauration des liens avec l’ensemble des parties prenantes. C’est aussi l’une des conditions pour restaurer les liens avec ses collaborateurs et répondre au désengagement. »