[Interview] Edgar Grospiron ou les 3 piliers
de la motivation en entreprise

Edgar Grospiron, conférencier spécialiste de la motivation

[Article publié le 16 novembre 2021 - Mis à jour le 6 septembre 2023 ]

Bio : Ancien sportif de haut niveau (champion de ski-acrobatique), Edgar Grospiron a réalisé plus de 1 000 conférences en entreprise depuis 2001 sur des problématiques de motivation au sein des organisations.

Vous assurez des conférences en entreprise, notamment sur la thématique de la motivation. Quel(s) constat(s) faites-vous depuis la rentrée ?

Edgar Grospiron : J’ai la chance de travailler avec des entreprises de tous secteurs d’activité, et des collaborateurs de tous niveaux hiérarchiques, en France comme à l’international. Je ne suis pas un scientifique qui étudie des sujets, mais je peux vous donner un éclairage pratico-pratique sur ce que j’observe. Qu’est-ce qui est à l’œuvre ? Qu’est-ce qui fonctionne concrètement ou pas ?

Ce que je constate, c’est que la rentrée était très attendue par les dirigeants et les top managers, mais pas vraiment par les collaborateurs. La différence tient au fait que les top managers et dirigeants avaient envie de recréer du lien avec leurs équipes, mais aussi de retrouver du contrôle. Alors que les collaborateurs voulaient préserver l’autonomie acquise grâce au télétravail. Ce décalage au niveau des attentes entre le sommet hiérarchique d’une entreprise et sa base n’a pas de frontière. On le retrouve aussi bien avec des Français, des Anglais, des Allemands que des Indiens.

La période nous a pourtant prouvé que le télétravail ne pénalise pas la performance et qu’il peut même l’améliorer. Globalement, les collaborateurs se sentent investis dans leurs missions, sont consciencieux et veulent être utiles.

Comment motiver les collaborateurs lorsque certains sont en télétravail, d’autres sur site ou en tiers-lieu ? Comment faire pour tous les adresser ?

E. G. : On ne peut pas motiver les gens ! En revanche, l’entreprise se doit de créer les conditions pour que les collaborateurs trouvent leur motivation. Tout le monde peut être adressé, mais il faut avoir en tête que si les trois leviers de motivation personnels sont universels, la motivation est une affaire très personnelle. A noter que les leviers évoluent en fonction du temps et certains seront plus importants pour vous que pour moi.

1/ Avoir le sentiment de pouvoir réaliser des ambitions personnelles

« Un collaborateur qui intègre une entreprise avec des ambitions peut les exprimer et les réaliser. » L’ambition, c’est une condition à la motivation. Si vous rejoignez une entreprise et que vous avez des perspectives d’évolution en phase avec votre ambition, vous serez motivé. Il faut que l’entreprise crée la condition dans laquelle vous pourrez inscrire votre ambition : c’est ce qu’on appelle un projet d’entreprise (une vision, une mission, une stratégie, des plans d’action…). Que je sois en CDI, CDD, alternant, freelance, etc. il faut que je vois dans l’organisation un lieu dans lequel mes ambitions peuvent potentiellement se réaliser.

2/ Avoir le sentiment d’apporter sa touche grâce à ses talents et y prendre un certain plaisir

Est-ce que l’entreprise me permet d’exprimer mon plein potentiel, les qualités qui forgent ma personnalité ? La condition que l’entreprise doit poser est managériale. En effet, le management est-il en capacité de faire en sorte que les collaborateurs concentrent leurs efforts sur les sujets qui leur rapportent beaucoup en termes de plaisir et peu en termes de sacrifice ? Car le plaisir est une condition essentielle à la performance et à la motivation d’un individu. Le manager doit avoir une approche individualisée.

3/ Avoir le sentiment de monter en compétence et de s’accomplir professionnellement

Est-ce que j’ai le sentiment de m’accomplir ? Ou de faire tout le temps la même chose et de ne pas progresser ? L’entreprise doit poser un plan d’actions pour permettre au collaborateur d’être la bonne personne au bon endroit et au bon moment, de s’accomplir dans la réalisation de sa mission, et de se développer. Le manager doit piloter les progrès des collaborateurs ou en tout cas les aider à piloter leurs progrès et leur donner les moyens de grandir et de monter en compétences.

On a ainsi les trois piliers essentiels à la motivation.

On voit bien que le rôle du manager est essentiel et qu’il ne peut définitivement plus être celui qui passe les plats entre la direction et les collaborateurs…

E. G. : La pandémie a torpillé le manager contrôlant qui regarde uniquement si vous êtes au-dessus ou en dessous de vos objectifs. Dans un contexte où il y a moins d’interactions, davantage de travail à distance, etc., ce type de manager n’a pas de plus-value. La direction RH doit accompagner les managers à adopter une posture de manager coach. C’est-à-dire qui initie des interactions plus courtes et impactantes, s’engage, aide les collaborateurs à formaliser leurs ambitions, à progresser, à identifier leurs forces… C’est une personne qui va être en apport d’abord et en exigence après. Il devra être capable d’absorber la pression de l’enjeu et de redonner du plaisir au jeu. La DRH qui bâtit les parcours de formation, joue donc un rôle essentiel pour redonner de la plus-value aux managers.

Comment votre parcours d'athlète de haut niveau vous sert au quotidien ? Comment restez-vous motivé ? Quels sont les conseils que vous proposez à vos clients que vous vous appliquez à vous-même ?

E. G. : Le sport m’a permis de comprendre qu’il n’était pas simple d’atteindre des objectifs qu’on se les fixe, mais que c’est encore plus compliqué d’atteindre des objectifs qu’on ne se fixe pas. Je me fixe des objectifs, mais ce n’est pas une fin en soi, ce sont des indicateurs qui me permettent d’évaluer ma progression. Derrière une ambition, il faut du sens. Pourquoi je me lève le matin ? Est-ce que je skiais pour gagner ? Non, c’était un objectif. Je voulais donner du bonheur au gens, c’est pourquoi j’ai pratiqué un sport-spectacle. Dans mon métier aujourd’hui, j’apporte du positif dans la vie des gens, c’est la conséquence heureuse d’une conférence. Ce que j’aime, c’est prendre le temps de bien préparer ma conférence, connaître mon client, ses enjeux, etc., et d’arriver sur scène sans savoir ce que je vais dire ou presque. Tout simplement parce que j’écoute d’abord mon auditoire, on construit ensemble, et qu’il y a une part d’improvisation. Le plaisir de la préparation se transforme par la suite en confiance.