De chargée de SEO à demi chef de partie :
« Je n’ai pas du tout perdu en qualité de vie »

Morgane, de chargée de SEO à demi chef de partie

Après une première expérience dans le marketing en tant que Chargée de SEO, Morgane s’est réorientée professionnellement dans le secteur de la gastronomie, et plus particulièrement dans la pâtisserie. Et c’est au cours de la pandémie de Covid en novembre 2020 que la jeune femme alors âgée de 27 ans a sauté le pas, alors même que l’hôtellerie-restauration connaissait à cette époque une vague de départs. En effet, selon un communiqué de l’UMIH* de janvier 2022, 150 000 collaborateurs auraient quitté le secteur en 2021. Pourquoi Morgane s’est-elle tournée vers un métier dont les conditions de travail ont la réputation d’être difficiles ? Quel est son regard sur les pratiques RH et managériales ? Quelles sont ses attentes en tant que collaboratrice ? Rencontre !

Morgane, comment êtes-vous passée de chargée de SEO au sein du département marketing d’une entreprise à demi chef de partie dans un restaurant gastronomique ?

Morgane : Pendant la pandémie de Covid, je me suis retrouvée au chômage technique, sans perspective réelle de reprise d’activité à mon poste de chargée de SEO. J’ai voulu mettre à profit ce temps libre pour faire quelque chose d’utile. Étant donné que j’ai toujours été attirée par la cuisine et la pâtisserie, j’ai eu envie de suivre une formation. C’est comme ça que je me suis inscrite à L’Atelier des chefs pour passer un CAP pâtisserie en candidat libre.

A ce moment-là, je n’envisageais pas clairement une reconversion professionnelle. Mais trois mois après mon inscription, j’apprenais que mon employeur ne pouvait pas me reprendre et j’ai été licenciée. Là où certains auraient vu une mauvaise nouvelle, j’y ai vu une opportunité. C'était d'autant plus évident pour moi que je vivais à l'époque chez mes parents et que j'avais quelques économies. Je me suis alors concentrée pleinement sur ma formation.

J’avais accès à une plateforme en ligne pour suivre des cours, je pouvais contacter des chefs professeurs par téléphone pour poser des questions, et surtout, j’ai pu partir en stage sereinement. Après avoir passé quatre mois sur le terrain, tout a changé : je ne me voyais plus du tout dans un bureau. Ça a été une révélation ! J’ai alors cherché un emploi de commis pour travailler en parallèle de ma formation qui a duré deux ans.

Je n’avais pas encore mon CAP, mais j’ai réussi à décrocher un poste dans une boulangerie-pâtisserie (boutique). Par la suite, j’ai voulu voir comment ça se passait du côté de la restauration. J’ai rejoint l’équipe pâtisserie d'un restaurant gastronomique en tant que demi-chef de partie.

Lors de votre première expérience professionnelle, vous n’aviez donc pas encore de diplôme et pourtant, vous avez réussi à décrocher un emploi. La pénurie de main d’œuvre dans le secteur a joué en votre faveur ou est-ce qu’il a été difficile de convaincre votre employeur ?

Morgane : C’est vrai que le secteur peine à recruter et que ça a probablement joué en ma faveur, mais je n’ai pas été embauchée sur un coup de tête. Mon recruteur m’a posé beaucoup de questions sur mes motivations. « Quel est votre projet ? », « Pourquoi quitter un emploi de bureau pour rejoindre le secteur de la pâtisserie ? », « Avez-vous conscience que c’est un métier exigeant et qui peut être difficile physiquement ? », etc. 

Il voulait connaître les raisons qui me poussaient dans cette voie et s’assurer que j’étais consciente des conditions de travail. Car on se lève très tôt voire au milieu de la nuit pour exercer son métier. Il n’y a pas de transport en commun à ces horaires-là ou alors ce n'est peut-être pas très sûr pour une femme seule et il faut être en mesure de se rendre sur son lieu de travail par ses propres moyens. Il voulait être sûr que je savais à quoi m’attendre.

Et il n’est pas le seul. Les recruteurs recherchent des collaborateurs motivés et engagés sur la durée. Former des personnes qui partent au bout de quelques mois parce que finalement elles réalisent qu’elles ont d’autres attentes en matière de salaire ou d’horaires de travail, c’est compliqué. J’ai réussi à convaincre et j’ai été recrutée. Ensuite, j’ai fait mes preuves : j’étais toujours à l’heure, je posais des questions, j’avais envie d’apprendre et de m’améliorer. Même si les débuts ont été difficiles, j'ai démontré que j’étais quelqu’un de confiance, fiable et stable.

Entre ce que vous imaginiez du métier et la confrontation à la réalité, quelles ont été vos plus grandes surprises ou déconvenues ?

Morgane : On dit souvent que la pâtisserie est un métier créatif et stimulant. On fait rêver les gens : lorsque les personnes entrent en boutique, elles ont les yeux qui brillent. Mais entre produire à la maison et au travail, il y a tout un monde. D’abord, ce ne sont pas les mêmes quantités. Il peut donc y avoir un aspect répétitif dans le fait de réaliser cinquante éclairs au chocolat. Mais cela dépend aussi de l’entreprise dans laquelle tu travailles, car toutes n’envoient pas au même débit.

Ensuite, même si je savais que l’hygiène était très importante – on nourrit des personnes – je n’avais pas réalisé que la moitié de mon travail consisterait en du nettoyage. C’est la base et c’est normal, c’est une question de sécurité. Autre point auquel je ne m'attendais pas :  j'ai parfois travaillé avec des personnes qui parlent peu français. Et je suis ravie d’avoir appris l’anglais au cours de mes études, car ça m'aidait beaucoup pour communiquer au quotidien.

En matière d’expérience collaborateur, quête de sens, équilibre vie professionnelle/ vie personnelle, avez-vous le sentiment d’avoir gagné ou perdu en qualité ? Et pourquoi ?

Morgane : Je n’ai pas du tout perdu en qualité de vie. Je pense que lorsqu’on exerce le métier qu’on aime vraiment, on est plus épanoui et on dispose d’une réserve d’énergie en quelque sorte. Faire un métier qui me plaît et me ressemble, ça me booste. Bien sûr, au début, j’avais quelques appréhensions sur les horaires de travail, mais finalement je me suis bien adaptée. En boutique, je commençais très tôt et je terminais en début ou milieu d’après-midi, ce qui me laissait du temps aussi bien pour voir mes proches que pour avoir des activités. C’est vrai que dans la restauration, le décalage est plus palpable surtout en cuisine. Mais j’ai la chance en pâtisserie de travailler en continu, sans coupure. J’ai une vie !

Justement, les pratiques RH et managériales évoluent beaucoup depuis la pandémie. Quel est votre regard à ce sujet ?

Morgane : Il est difficile pour moi de faire un avant/ après puisque je suis arrivée dans le secteur au moment même du renouvellement des pratiques RH et managériales. Mais je remarque qu’il y a de plus en plus de flexibilité, parce qu’on a tous conscience que ce sont des métiers qui demandent un investissement personnel important et qu’il est nécessaire de revoir les pratiques afin d'améliorer l'équilibre vie professionnelle/ vie privée. Autre point, lorsque j’ai commencé dans le métier, j’ai été surprise par le langage qui peut être brut, direct, et dur parfois. Ça a pour avantage qu’on ne tourne pas autour du pot. Mais ça peut être déstabilisant au début. Dans un univers majoritairement masculin, il a fallu que je m’affirme et que je fasse preuve d’assertivité.

Aujourd’hui, quelles sont vos perspectives d’évolution ? Souhaitez-vous rester dans le secteur ?

Morgane : Je suis ravie de mon poste actuel et je veux profiter de ce moment. Mais oui, j’ai d’autres ambitions pour ma carrière. Passer au grade supérieur en fait partie. Je ne sais pas si dans quinze ans je pratiquerai mon métier de la même manière, mais je projette de rester dans le secteur de la gastronomie. Monter ma propre entreprise , créer mon activité ou même un nouveau métier serait aussi très stimulant. Quand j’étais en marketing, je ne me projetais pas beaucoup. Là, les perspectives sont quasi infinies.

(*) Union des métiers et des industries de l’hôtellerie