Quand transformation digitale et seniors
font (finalement) bon ménage

Quand seniors et transformation digitale font finalement bon ménage

Les plus de 50 ans représentent aujourd’hui un tiers de la population active, contre 20 % en 2000. Dans un contexte de vieillissement démographique et de montée en puissance des interrogations autour de l’entreprise intergénérationnelle, L’Observatoire des métiers du futur (OMF) a mené l’enquête sur la place des seniors dans le Future of Work. La transformation digitale, contrainte ou opportunité dans le maintien dans l’emploi des seniors ? Quels sont les leviers de la fonction RH ? Décryptage.

Transformation digitale et seniors : au-delà des préjugés

Avec le vieillissement de la population et le recul de l’âge de départ à la retraite, le maintien des seniors dans l’emploi fait partie des enjeux de société majeurs. Pour preuve, le 14 janvier 2020, Sophie Bellon, présidente du conseil d’administration de Sodexo, Olivier Meriaux, directeur technique scientifique de l’Anact, et Jean-Manuel Soussan, DRH du Groupe Bouygues, ont remis au gouvernement un rapport intitulé « Favoriser l’emploi des travailleurs expérimentés ».

Le document souligne qu’il s’agit d’« un problème de société complexe » et qu’il convient « surtout et avant tout d’engager l’ensemble de notre société dans un processus de remise en question profonde des pratiques ancrées de longue date et d’adhésion de chacun à de nouvelles représentations enviables pour l’avenir ». On se souvient également que fin 2019 l’ANDRH avait évoqué dans un communiqué l’urgence de mener une réflexion autour d’un index Senior, à l’image de celui mis en place pour favoriser l’égalité femme-homme dans l’entreprise.

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Car l’accélération de l’automatisation, possible grâce aux avancées en matière d’intelligence artificielle et de robotisation, replace au cœur du débat la question des collaborateurs les plus expérimentés au sein du milieu professionnel. "Peuvent-ils s’adapter à la transformation des organisations et des métiers ?" "Sont-ils capables de se maintenir à la page ?" Car qu’on le veuille ou non, certains a priori ont la vie dure lorsqu’il s’agit des travailleurs de plus de 50 ans.

D’après l’enquête de L’Observatoire des métiers du futur (OMF), « Mission possible : les travailleurs seniors et le Future of Work », seuls 6 % des 20-39 ans considèrent que l’apprentissage devient plus facile avec l’âge, un chiffre qui grimpe à 35 % lorsqu’on interroge pourtant les seniors. Les principaux freins à l’apprentissage, toutes classes d’âges confondues, semblent être :

  • le faible investissement de l’entreprise en la matière (36 %) ;
  • le contenu ou les modalités de formations inadéquats (34 %) ;
  • le manque de temps (13 %).

A la lumière de ces données, il devient essentiel de repenser les pratiques et d’innover. La gestion du tutorat par exemple n’est plus l’apanage des seniors. A l’heure de l’entreprise intergénérationnelle, elle peut être inversée, permettant ainsi aux juniors de faire valoir leurs compétences et leur créativité. Il est primordial également de prendre en compte la synergie vie professionnelle/ vie personnelle afin d’injecter davantage de flexibilité dans l’entreprise et de permettre aux collaborateurs de se former plus sereinement tout au long de leur vie.

A noter également que si pour 65 % des sondés l’expérience des seniors se révèle leur principal avantage à l’embauche, leur niveau de rémunération apparaît en revanche comme un frein pour 44 % des répondants, devant le challenge de l’adéquation culturelle (19 %) et le manque de compétences numériques (18 %).

Sur ce dernier point, Mickaël Berrebi, responsable du S2H Institute, tient d’ailleurs à relativiser. Lors du podcast Objectif Future of Work, l’expert souligne qu’« un senior des années 2000 n’est pas le même senior que celui de 2020 qui, lui, a connu Internet pendant vingt ans. […] Au fur et à mesure du temps, ce problème va se résoudre puisqu’on devient de plus en plus familier avec les outils numériques ». Et de préciser : « Dans cette révolution digitale, c’est la phase de transition qui est difficile à gérer, mais d’ici dix ans, les seniors seront parfaitement familiers au digital puisqu’ils baignent déjà dedans actuellement. »

La qualité de vie au travail (QVT) au cœur du maintien des seniors dans l'emploi

Un autre point demeure essentiel lorsqu’on aborde la question de l’emploi des seniors : jusqu’à quel âge travailler ? Tant que la santé le permet déclarent 61 % des répondants. Pour maintenir les travailleurs expérimentés dans l’emploi, il convient donc de s’intéresser à leur qualité de vie au travail. D’après le 12e baromètre de l’absentéisme et de l’engagement (Ayming), l’absentéisme des collaborateurs augmente graduellement par tranche d’âge : allant de 2,85 % chez les moins de 25 ans à 7,56 % pour les collaborateurs de 56 ans et plus. Un fait lié en partie à un état de santé qui se dégrade. Les seniors représentent 30 % des arrêts maladie de plus de 30 jours. 14,2 % des seniors sont en temps partiel pour des raisons médicales, rappelle la Dares.


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Dans ce contexte, la transformation digitale représente une opportunité pour mieux accompagner les travailleurs expérimentés. Tout d’abord, l’automatisation des tâches permet de réduire la pénibilité au travail.

Ensuite, la fonction RH dispose de leviers digitaux pour accompagner les collaborateurs. Elle peut se doter d’outils pour optimiser son offre de services et alléger le quotidien des collaborateurs, qu’ils soient seniors ou non.

L’automatisation des processus RH, la personnalisation de la relation employeur-collaborateur, mais aussi la possibilité d’apporter à chacun une assistance RH n’importe quand et où qu’il soit sont autant de facteurs qui contribuent à améliorer la gestion des temps et des activités, à faciliter les démarches des collaborateurs et à les rendre plus autonomes.

D’après une enquête Deloitte de 2018, la moitié des 11 000 entreprises interrogées n’ont rien prévu pour accompagner leurs collaborateurs seniors. Pourtant, les 60 ans et plus représentent déjà 13 % de la population mondiale, 25 % de la population française. D’ici 30 ans, la part de cette tranche d’âge passera à 21 % dans le monde et à plus de 30 % en France. S’il s’agit encore d’une minorité, celle-ci n’en demeure pas moins conséquente. La fonction RH se trouve face à un défi de taille et doit initier une réflexion en profondeur dès aujourd’hui.