Qui sont les managers ?
La France a un rapport particulier au métier de manager. Plus qu'ailleurs, celui-ci est perçu comme une forme de « récompense » dans une carrière d’expert. C'est une promotion. Le fait de « prendre des responsabilités » reste une étape importante dans beaucoup de parcours professionnels.
Une autre spécificité est l’existence de la notion de « cadre ». La distinction manager / opérationnel ne recouvre pas les catégories cadres / non cadres. Les cadres ne représentent qu’environ 20% des salariés, selon l’Insee. Or, 32% des salariés déclarent exercer des responsabilités d’encadrement, selon une note de l’Ifop et de la Fondation Jean Jaurès. A l’inverse, 40% des cadres n’encadrent personne.
Il y aurait donc environ 8 million de salariés (public et privé confondus, cadres et non cadres) chargés de manager d’autres collaborateurs (moins de 5 salariés dans 56% des cas). Eux-mêmes, à leur tour, sont, pour la plupart, managés par d’autres. Lorsque l’on parle, dans la continuité de la crise sanitaire, de fatigue des managers d’une part, de détresse des collaborateurs de l’autre, près d’un tiers des effectifs se situe en réalité des deux côtés de la barre. Pour eux, d’une certaine manière, c’est la double peine.
Les managers sont mieux vus que le management
De fait, les managers de proximité, les « N+1 » sont globalement bien perçus par leur subordonnés : 70% d’entre eux sont satisfaits de leurs relations avec leur supérieur hiérarchique direct. Le plus souvent, les managers font corps avec leur équipe :
- 78% des salariés reconnaissent les qualités de leadership de leur N+1 ;
- 75% sa capacité à décider ;
- 72% ses qualités d’écoute ;
- 71% son sens de la solidarité.
Le terme le plus souvent associé au manager est celui de « coach », cité par 39% des salariés. Pourtant, la note de la Fondation Jean Jaurès constate que les salariés sont plus critiques du management en général que de leur manager immédiat. Ils sont nettement moins nombreux que leurs voisins allemands ou anglais à estimer avoir des perspectives de progression dans leur entreprise ou à considérer que leur travail est reconnu à sa juste valeur par « le management » en général.
Il y a là sans doute une cause importante de malaise pour les managers intermédiaires ou de proximité : le sentiment, souvent, de ne pas avoir les moyens de développer leurs collaborateurs, de répondre à leurs attentes. Ils ne sont ainsi que 56%, soit une petite majorité, à estimer avoir les ressources nécessaires pour exprimer la reconnaissance des performances de leur équipe, au-delà même des questions de rémunération. Or, le fait d’avoir des objectifs et de ne pas avoir suffisamment de moyens pour les atteindre représente une des causes majeures de souffrance au travail.
Un haut niveau d’attentes
La crise sanitaire n’a fait qu’aggraver cette situation. Selon une autre étude de la Fondation Jean Jaurès, le rôle des managers a été central dans les périodes de confinement. Malgré l’éloignement physique, les managers se sont rapprochés des salariés, dans la gestion quotidienne du travail. Ils ont endossé un rôle de psychologue de proximité qu’ils assumaient moins systématiquement auparavant.
Il n’est donc pas surprenant que les managers soient les premiers cités lorsqu’on demande aux salariés qui, dans l’entreprise, peut le mieux porter la transformation culturelle de l’organisation. La pression est forte.
Globalement, les managers doivent simultanément :
- réapprendre leur métier en contexte hybride : il y a la maîtrise des outils, bien sûr, mais aussi la redéfinition des rôles, l’autonomisation des collaborateurs, le suivi de la production…
- gérer le stress et les problématiques de santé mentale de leurs collaborateurs ;
- répondre aux attentes fortes de la direction en matière de performance, et parfois déployer de nouvelles stratégies managériales ;
- affronter les impératifs de fidélisation des salariés, en contexte de pénurie de talents ;
- gérer leur propre stress, et parfois leur propre envie d’aller voir ailleurs.
Une santé fragilisée
L’ensemble de ces tensions contradictoires ne peut manquer d’affecter la santé des managers, dans un contexte où l’ensemble des salariés a souffert. Rien qu’au cours de l’année 2022, selon le baromètre Alan/Harris Interactive, la proportion de salariés qui se disent stressés a augmenté de 4 points (à 60%). Ceux qui estiment ressentir de l’angoisse sont désormais 47%, soit 6 points de plus qu’au début de l’année.
Du côté des managers, d’après une étude mondiale menée par le Workforce Institute de UKG, ils se révèlent plus souvent stressés que les membres de leur équipe et les cadres supérieurs (42 % contre 40 % et 35 %, respectivement), et 25 % d’entre eux disent se sentir « souvent » ou « toujours » épuisés.
Quant aux cadres, un quart d’entre eux estiment que leur santé mentale s’est dégradée ces 2 dernières années, selon une étude de l’Apec de septembre 2022. 19% ont déjà pris un congé ou un arrêt maladie pour épuisement professionnel. Ces chiffres concernent l’ensemble des cadres : ils sont encore plus élevés si l’on ne considère que les cadres managers. 65% de ces derniers ont le sentiment d’être confrontés à une charge de travail insurmontable (contre 47% chez les cadres non managers), 62% se sentent en épuisement professionnel (versus 48%). Et 46% des cadres considèrent que leur entreprise ne fait pas ce qu’il faut en matière de prévention relative à la santé mentale.
L’importance de l’expérience manager
L’accompagnement des transformations post-crise sanitaire passe de plus en plus souvent par le déploiement d’une politique d’amélioration de l’expérience collaborateur. Chaque année, le Baromètre de l’expérience collaborateur de Parlons RH mesure la progression de cette approche. L’édition 2022 mettait en évidence le fait que les entreprises pratiquant ce type de démarche réussissaient mieux leur transition vers l’hybridation du travail que les autres.
Les chiffres montraient par ailleurs que les plus engagées dans l’expérience collaborateur étaient 5 fois plus nombreuses à former les managers au management à distance que les entreprises rétives à ce type de politique RH. Former, c’est accompagner, c’est donner des moyens, et c’est donc réduire le stress. Intuitivement, nous sentons bien que la transformation de l’organisation passe par un meilleur soutien aux managers, une attention particulière à la mesure et à l’amélioration de l’expérience collaborateur des managers – en somme, à l’expérience manager.
Aujourd'hui, trois-quarts des managers passent plus de trois heures par semaine à réaliser des tâches administratives liées aux ressources humaines. "[...] il existe une sorte de clivage entre la fonction Ressources humaines, chargée de gérer efficacement les collaborateurs, et les fonctions Opérations, chargée de la gestion au quotidien des équipes", peut-on lire dans le magazine Info-Entreprise.com.
Pour y remédier, Richard Bates, Lead Product Manager chez UKG, considère que "le meilleur moyen pour que ces deux fonctions communiquent mieux est qu’elles parlent le même langage et qu’elles utilisent le même outil." Il ajoute : "Les managers peuvent assurer le suivi des temps et des effectifs facilement pour s’assurer d’avoir toujours la bonne personne au bon endroit et au bon moment. Les RH, eux, peuvent traiter les problématiques RH au sein du même outil que la gestion du planning . Cela fluidifie la communication entre les équipes et fait disparaître les barrières."
L’édition 2023 du baromètre Parlons RH de l’expérience collaborateur porte précisément sur cette question de la place du manager dans l’expérience collaborateur. Nous en saurons donc davantage en juin prochain sur ce sujet crucial pour l’avenir de nos organisations.